dimanche 13 septembre 2015

L'HOMME QUI AIMAIT LES CHIENS (2011) - Leonardo PADURA - Cuba - (Métailié/Suites/n°176)

Un monumental ouvrage du grand écrivain cubain !
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Sur une plage cubaine en 1977, Ivan le narrateur,  qui jadis rêvait d'être écrivain, voit un inconnu qui se promène avec deux magnifiques barzoï (lévriers russes) qui courent sur le sable...
 Quel est donc cet homme mystérieux qui va bientôt, au fil de plusieurs rencontres, lui faire d'étranges révélations sur Ramon Mercader, connu pour avoir assassiné Trotsky au Mexique en 1940 ?
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A travers les "itinéraires" de ces trois hommes, Padura dresse une fresque historique magistrale dans laquelle sont évoqués avec force et brio : le communisme stalinien, la guerre civile espagnole, mais aussi parallèlement la vie du narrateur, écrivain brimé par le régime castriste...
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Même si on connaît le dénouement...le livre (de plus de 700 pages) est absolument passionnant et tient en haleine de bout en bout...
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Léonardo Padura précise :
"...j'ai voulu me servir de l'histoire de l'assassinat de Trotski pour réfléchir à la perversion de la grande utopie du XX° siècle, ce processus où nombreux furent ceux qui engagèrent leur espérance et où nous fûmes tant et tant à perdre nos rêves et notre temps, quand ce ne fut pas notre sang et notre vie. Et c'est pour cette raison que je m'en suis tenu, le plus fidèlement possible (souvenez-vous qu'il s'agit d'un roman, malgré l'étouffante présence de l'Histoire dans chacune de ses pages), aux épisodes et à la chronologie de la vie de Léon Trotski, durant les années où il fut exilé, harcelé et finalement assassiné....."
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EXTRAITS
"...parmi les choses rares qui ne font qu'augmenter si on les partage, il y a la douleur et la misère."
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"Découvrir que ma femme moribonde pensait à l'avenir des autres fut pour moi une douleur qui vint s'ajouter à toutes celles qui me submergeaient déjà."
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"...la véritable grandeur humaine réside dans la pratique de la bonté sans condition, dans la capacité de donner à ceux qui n'ont rien, non pas le superflu mais une partie du peu que nous avons(…) ne pas faire de politique ni prétendre par cet acte à une quelconque prééminence."
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"Qui n'était pas victime, serait complice et même plus, bourreau. La terreur et la répression devenaient la politique d'un gouvernement qui faisait de la persécution et du mensonge des institutions d'Etat et un style de vie pour l'ensemble de la société. Etait-il ainsi que l'on construisait la meilleure société ? "
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"Je suis le même et je suis différent à chaque instant. Je suis tous ceux-là et je ne suis personne, parce que je ne suis qu'un pion, un tout petit pion, dans le combat pour un rêve. Un individu et un nom ne sont rien... Tu sais, dès que je suis entré à la Tcheka, on m'a appris quelque chose de très important : l'homme est interchangeable, remplaçable. L'individu n'est pas un élément unique, c'est un concept qui s'agglutine pour former la masse, qui, elle, est réelle. Mais l'homme en tant qu'individu n'est pas sacré, et donc pas indispensable."
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"... j'adore les cimetières. Cela fait des années que je vis dans un monde où l'on ne sait pas qui est qui, où est la vérité et où est le mensonge, et encore moins quelle est ton espérance de vie... Ici au moins, on se sent entouré de certitude, de la plus grande des certitudes.."  
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Cet extrait évoquant Baracoa (où Yvan a séjourné) ne pouvait qu'attirer l'attention d'un amoureux de ce qui est sans doute la plus belle et la plus attachante région de Cuba :

« Baracoa, le moment est venu de le dire, est un des endroits les plus beaux et des plus magiques de l’île, et ses habitants sont des gens d’une bonté et d’une innocence surprenantes . Bien que je n’y ai jamais remis les pieds – j’éprouve une peur panique à l’idée d’y retourner et de ne plus pouvoir en repartir pour une raison ou pour une autre – je me rappelle, comme à travers un écran de brume, la beauté de la mer, les décadentes forteresses coloniales, les montagnes à la végétation si dense, les nombreux ruisseaux et rivières qui pouvaient même devenir impétueuses comme la Toa. Je me souviens de l’amabilité des gens – toujours disposée à héberger les étrangers à la ville et les parias cherchant un endroit où se faire oublier -, de la pauvreté qui y régnait depuis presque un demi-millénaire et qui était sa vraie malédiction, une pauvreté toujours palpitante dont on parlait toujours au passé, comme d’une chose définitivement surmontée…. »
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Leonardo Padura
né à la Havane en 1955
où il réside toujours
(voir ICI )
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Voir également sur le blog :
Le Palmier et l'Etoile
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Les Brumes du Passé
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Retour à Ithaque
(Padura est le co-scénariste du beau film de Laurent Cantet)
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2 commentaires:

  1. Et que dit-il du rapprochement americano/cubain , je vais me procurer le scénario de ce film!
    Amitiés artistiques et merci pour les commentaires

    Marc

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  2. Doublement intéressant pour toi. D'abord par la pronfondeur du sujet, ensuite parce que le sujet du roma, se passe à Cuba, une terre "chère à ton coeur" (comme on dit). Ce qui me ferait reculer, c'est le nombre de pages ! 700, un véritable pavé ! J'avoue, mais, c'est totalement primaire, je le concède, que cela me fait reculer. Parce que, en lecture, j'ai faim de changement et que, pour en lire davantage, je privilègie les romans (l'essentiel de ce que je lis) courts ou, en tout cas, ne dépassant pas 500 pages. J'aime bien Nothomb, par exemple, dont les histoires se lisent dans la journée ! Bonne journée. Fait triste ici. Piove, comme ils disent à Rome.

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